Derrière le métier de testeur, la "Silicon Valley française" du jeu vidéo pousse à Bordeaux

Fred Catusse est QA Test Manager chez Asobo Studio à Bordeaux. (©Asobo Studio )

« Quand on est testeur de jeux vidéo, les gens s’imaginent qu’on est juste en train de jouer toute la journée. » Frédéric Catusse, 44 ans, travaille pour le studio de développement Asobo (Flight Simulator, le jeux d’aventure Plague Tale...), perché en haut d’une tour flambant neuve située quartier Euratlantique à Bordeaux

Ici, dans un décor de bureaux blancs aseptisés bien loin de l’image de la tanière du gamer, les 270 employés d’Asobo travaillent dans un cadre presque militaire avec le devoir de garder le secret sur leurs projets. Parmi eux, les QA Testeurs (Quality Assurance) comme Frédéric analysent, suggèrent et corrigent jusqu’aux moindres détails du jeu pour assurer la meilleure expérience possible aux joueurs. 

« Quand on ne connaît pas, ça fait rêver », confie Frédéric, le sourire au coin des lèvres. Mais à l’arrivée, le jeu livré comme la deuxième version de Plague Tale (Requiem lancé en octobre 2022) pèse tout de même plusieurs millions d’euros de budget. 

Une passion, pas une vocation

De guitariste semi-pro dans un groupe de métal à téléconseiller pour le service client de France Telecom, rien ne prédestinait ce créatif à intégrer un studio. « Comme boulot, j’ai tout fait », lance-t-il sur le ton de la plaisanterie. « Je sais ce que c’est une boîte normale ou un boss qui te gueule dessus. »

Pendant des années, pour lui, le travail n’est pas synonyme d’épanouissement personnel. Pourtant mordu d’écrans depuis tout petit, jouer a longtemps été une passion, mais pas une vocation.

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Il se remémore les dimanches après-midi à jouer dans le bureau de son père sur un PC Amstrad, à l’époque ou des pixels gros comme le pouce l’obligeaient à « s’imaginer sa propre histoire, son propre monde ». « Je n’aurais jamais imaginé que j’allais bosser dans ce monde là », réalise Frédéric. Et aujourd’hui, ça le fait sourire.

L’opportunité se présente pourtant en 2006, lorsqu’un ami lui fait part d’un poste à pourvoir comme testeur chez Asobo avec pour premier jeu : Ratatouille, le très célèbre rat cuisinier.

« Une fourmilière à bonheur »

« Je sortais de plusieurs années passées sur plateau téléphonique à répondre aux clients. Et là, d’un coup, je passe la porte d’une entreprise où on me demande à quels jeux j’aime jouer pendant l’entretien ! Pour moi c’était dingue » se souvient le gamer qui parle du studio comme « d’une fourmilière à bonheur ». 

Après avoir fait parti des tout premiers QA testeurs bordelais, Frédéric est devenu, 16 ans plus tard, le manager d’une petite équipe. L’occasion pour lui de rechercher des profils aussi divers que variés, comme son collègue qui est un ancien contrôleur SNCF.  

La passion du jeux est indispensable pour intégrer le studio. Mais on reste une équipe avec des humains, des émotions, des désaccords. On a besoin de gens qui vont être capables de s'adapter à la pression et aux exigences.

Frédéric CATUSSEQA Test Manager

« Malgré le fun avec les collègues, la pression est constante », insiste le professionnel : « On développe un jeu vidéo comme on réalise un film à gros budget. » Il ne faut pas perdre de vue que si le jeu n’est pas à la hauteur, on peut se faire descendre par la presse et les joueurs ». 

Bordeaux, capitale du jeu vidéo ?

« On n’est pas que dans l’extermination de zombies ou la course de voiture, les choses ont changé et on peut faire carrière dans le jeu vidéo », décrypte Stéphane Bonazza, président de l’association SO Games qui rassemble tous les acteurs du jeu de Nouvelle-Aquitaine.

Tout a commencé avec la success story du premier éditeur Kalisto fondé dans les années 90. De là, l'industrie du gaming a trouvé une place très forte à Bordeaux. Aujourd'hui, avec Ubisoft, Shiro ou encore Asobo, les grands best-sellers du jeu vidéo français viennent de la région.

Stéphane BonazzaPrésident de l'association SO Games

De QA Testeurs à Writers, de graphiste à développeur, tous ces métiers insoupçonnés de l’industrie du gaming sont « de vrais métiers très précis, avec des vrais process », insiste-t-il. « Aujourd’hui le jeu vidéo prend le relai du cinéma. Et il y a beaucoup d’enjeux là-dedans. »

Et pour cause : les jeux vidéos pèsent aujourd’hui, 6 milliards d’euros en France, plus d’un millier d’emplois et près de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires rien qu’en comptant les entreprises de Nouvelle-Aquitaine. Pour le président de SO Games, nul doute que l’industrie pérenne du jeu vidéo qui s’installe à Bordeaux et ses environs n’en est qu’à ses débuts. « On est un peu la Silicon Valley française. »

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