Bordeaux teste une sécurité sociale de l’alimentation
Le bilan est sans ambiguïté : la précarité augmente en France et avec elle, la difficulté à accéder à une alimentation correcte. Face à ce constat alarmant, qui touche en priorité les publics les plus fragiles, une opération inédite vient d’être lancée à Bordeaux pour lutter contre la précarité alimentaire et au-delà, expérimenter un droit à l’alimentation pour tous.
Initiée en octobre dernier, elle s’adresse à une poignée d’étudiants bordelais. Un choix revendiqué car « depuis plusieurs années, il y a un problème de précarité grandissant au sein de la communauté étudiante. Une situation que la crise sanitaire a fait exploser puisqu’ils ne pouvaient plus ni travailler ni recevoir d’aide de bénévoles alors confinés. C’est ce qui nous a fait dire que l’aide alimentaire, qui d’ailleurs atteint ses limites, n’était pas la solution », explique Dominique Nicolas, vice président du CREPAQ (Centre Ressource d’Ecologie Pédagogique de Nouvelle-Aquitaine), l’une des deux associations qui, avec la Gemme, porte le projet.
Changer les habitudes alimentaires
Pour tester ce dispositif atypique, 150 étudiants volontaires ont été tirés au sort sur le campus, après une campagne de communication massive de mars à septembre derniers. Pour une cotisation mensuelle de 10€, ils reçoivent chaque mois, 100 eGemmes, monnaie numérique basée sur la Gemme, monnaie locale girondine dont la valeur équivaut à celle de l’euro et dont l’utilisation permet d’assurer le suivi de l’expérimentation. Une somme qu’ils peuvent ensuite dépenser dans des magasins conventionnés ( magasins d’alimentation qui encouragent les pratiques respectueuses de l’environnement, une consommation responsable pour une alimentation saine et durable et les circuits courts).
Parallèlement, un accompagnement, notamment via des ateliers de sensibilisation à l’alimentation durable et des ateliers de cuisine leur est dispensé. « L’objectif, en leur offrant un pouvoir d’achat complémentaire, est de les aider à changer leurs habitudes alimentaires, leur montrer qu’on peut manger mieux, pour pas forcément beaucoup plus cher, mais aussi de contribuer à aider les producteurs locaux à vivre plus dignement », explique-t-il.
Vers une sécurité sociale de l’alimentation
Dotée d’un budget de 200 000€ (150 000€ dédiés à la dotation mensuelle des étudiants sur 8 ou 9 mois, durée de l’expérimentation, et 50 000€ pour l’ingénierie CREPAQ/La Gemme), l’opération bénéficie pour l’instant, outre la cotisation des étudiants, de financements publics (Région Nouvelle-Aquitaine, Département de la Gironde, Bordeaux Métropole, Ville de Bordeaux, Université Bordeaux Montaigne) et privés (Fondation de France, Crédit Mutuel du Sud-Ouest…).
Une expérimentation que ses initiateurs envisagent d’étendre, dans un deuxième temps, à toute la communauté du campus bordelais, dont le personnel, soit plus de 100 000 personnes. Avant cela, une étude sur l’opération en cours doit avoir lieu à la fin de l’année universitaire pour en dresser un bilan.
« Depuis 2019, un collectif national de la sécurité sociale de l’alimentation a été créé par des chercheurs qui travaillent sur le droit à l’alimentation. Notre but est de démontrer qu’une meilleure alimentation est possible et que des solutions existent pour sortir de l’aide alimentaire basée sur l’assistanat et le bénévolat qui prévaut actuellement. Si la sécurité sociale de l’alimentation est instituée par une loi, ce seront les cotisations qui financeront les ressources des caisses locales et elle serait alors une nouvelle branche de la Sécurité sociale », conclut-il.
Laisser un commentaire