La Régie de l'eau de Bordeaux Métropole lance une tarification « plus juste »
L'eau n'a pas eu le temps de couler sous les ponts. La nouvelle Régie publique de l'eau de Bordeaux Métropole, opératrice du réseau depuis un an tout juste, a inauguré un tout nouveau système de tarification ce 1er janvier 2024. Désormais, le montant de la facture d'eau ne sera plus calculé selon l'appartenance de l'abonné à une tranche tarifaire mais selon sa consommation réelle.
Ainsi, un prix fixe d'1,51 euros par m3 est entré en vigueur pour cette année. Un montant en hausse de +3 %, induit par l'inflation mais moins élevé que celle-ci, qui sera revalorisé chaque année. La facture d'un ménage se compose dès lors d'une part fixe, dont le montant a été diminué de 30 % pour atteindre une quarantaine d'euros, et d'une part variable correspondant au nombre de m3 consommés.
Le chèque eau automatiquement versé
Une façon d'éviter que des ménages individuels et des familles modestes qui résident en habitat collectif se voient appliquer un tarif d'une tranche élevée. « Nous avons une configuration sociale qui nous a amenés à conclure du caractère négatif de cette grille tarifaire : elle s'avérait totalement injuste, pointe Sylvie Cassou-Chotte, présidente de la Régie de l'eau de Bordeaux Métropole et vice-présidente métropolitaine. Nous avons 300.000 abonnés sur une Métropole qui compte 50 % de ménages avec une seule personne. Or jusqu'ici, 41 % des ménages étaient sur la tranche la plus haute car ils habitent en résidence collective. »
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Autre mesure pour favoriser l'égalité, le versement automatique d'un chèque eau pourrait intervenir dans le courant de l'année. Compris entre 10 et 25 euros annuels, ce coup de pouce sera alloué par la Caf aux ménages les plus modestes, pour que leur facture d'eau ne représente pas plus de 3 % de leur budget courant. Jusqu'ici les ménages devaient eux-mêmes faire la demande. Or seuls 60.000 euros étaient versés chaque année sur 400.000 euros disponibles à l'échelle de Bordeaux Métropole. 17.000 foyers pourraient en bénéficier. Mais l'aide n'est qu'une goutte d'eau quand on sait que la facture annuelle oscille autour de 270 euros pour une personne seule (environ 50m3 d'eau) et plus de 400 euros pour une famille de quatre personnes.
Investir pour boucher les fuites
Sur les 3200 kilomètres de canalisations de Bordeaux Métropole, 20% de l'eau potable n'arrive pas jusqu'aux usagers à cause des fuites. Un chiffre dont se satisfait Sylvie Cassou-Schotte, présidente de la Régie, puisqu'il se situe dans la moyenne nationale. Elle n'entend pas moins entamer un « plan fuites qui se veut très offensif ». Ce schéma comprend un plan d'investissement et de recrutement avec neuf postes supplémentaires pour les équipes de détection et de réparation, qui s'ajouteront aux soixante déjà existants. Le réseau va être équipé de nouveaux capteurs pour détecter les défaillances. L'objectif : atteindre un rendement très ambitieux de 90%, contre 81 % en 2022, fixé sans date butoir par la Métropole.
La Régie mène par ailleurs des études pour tirer des enseignements du phénomène d'eau jaunâtre survenu en décembre sur le réseau. À date, l'opérateur n'a pas indiqué de causes potentielles.
Eau et sobriété
L'opérateur public n'aura donc pas attendu longtemps pour concrétiser ses ambitions, avec la promesse d'un accès à l'eau « plus juste ». Un engagement pris par la majorité de gauche de Bordeaux Métropole qui a poussé Suez, ex-opérateur des 28 communes, à passer la main, afin de stabiliser les prix. Mais cette nouvelle organisation ne convainc pas la droite. « Ça ne me choque pas que l'on augmente le coût de l'eau pour certains mais il faut savoir jusqu'où l'on va, tance Patrick Bobet, président du groupe de droite et du centre Métropole Commune(s). La Métropole a totalement perdu la main sur les tarifs puisque cela est décidé en conseil d'administration. » Une instance pourtant composé d'élus métropolitains de gauche et de droite et qui a adopté la nouvelle tarification à l'unanimité.
Le modèle de la nouvelle régie a en tout cas intéressé le Conseil économique, social et environnemental, qui l'a salué en novembre comme une initiative qui permet d'« assurer l'accompagnement des usagers fragiles ». Ailleurs en France, des régies publiques ont vu le jour à Paris, Nice ou Lyon.
La tarification bordelaise doit, selon ses partisans, inciter à la sobriété. Plus que ne le ferait une tarification progressive avec un prix variable du m3, pourtant plébiscitée par le Plan eau présenté par Emmanuel Macron au printemps dernier. « La tarification solidaire peut-être efficace à Dunkerque mais ailleurs, comme chez nous, ce n'est pas forcément la solution. Ce n'est pas le prix de l'eau qui amènera la sobriété », pense Sylvie Cassou-Schotte, qui, en tant que vice-présidente du Smegreg*, défend par ailleurs la création d'un Parlement de l'eau en Gironde.
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* : Syndicat mixte d'étude et de gestion de la ressource en eau du département de la Gironde.
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