Comment Idelam facilite le recyclage des chaussures et bientôt des pales d'éoliennes
Un Français achète en moyenne 9,5 kg de textiles et chaussures par an alors qu'il n'en trie que 3,4 kg, selon l'Ademe (Agence de la transition écologique). Pour y remédier, la startup bordelaise Idelam a lancé le projet ReChauss qui vise à délaminer des chaussures. Le mot est assez méconnu. Plus concrètement, grâce à un procédé innovant de séparation chimique mêlant du CO2 compressé et chauffé avec de l'eau et de l'acétone, Idelam sépare les différents matériaux d'une chaussure - sept en moyenne selon l'Ademe - en les gardant intacts pour le recyclage. « C'est une technologie semblable à une cocotte-minute », explique le fondateur Éric Durivault, car « elle agit sur trois facteurs : la pression, le temps et la température. »
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La dernière machine mise sur pied à l'échelle industrielle par Idelam est capable de délaminer dix à quinze paires de chaussures en même temps. Le tout en seulement une vingtaine de minutes. Ce qui permettrait, une fois la commercialisation lancée, de recycler 36 tonnes de chaussures par an et par machine. Un chiffre à comparer avec les 17 milliards de paires de chaussures produites dans le monde chaque année.
Une chaussure délaminée par la technologie d'Idelam (crédits : SG / LT)
Deux levées de fonds dans les tuyaux
Pour Idelam, le point de bascule arrive en 2019 lorsqu'elle signe avec le CNRS une licence exclusive mondiale pour l'utilisation de cette technologie brevetée depuis 2014. S'en suit alors une centaine de tests avec tous types de produits (skis, briques de lait, cartes de crédit...). La chaussure s'est avérée la plus concluante en plus de recueillir un véritable marché. La Région Nouvelle-Aquitaine et l'éco-organisme Refashion ont ensuite soutenu le projet ReChauss.
Désormais, l'entreprise devrait lever 700.000 euros dans les prochaines semaines pour accélérer l'étape de commercialisation de sa machine. Une deuxième levée de fonds « cette fois en millions d'euros » est attendue à moyen terme confirme Éric Durivault. Elle permettra qu'Idelam achète ses machines et les fasse fonctionner chez leurs clients. Cette période devrait apporter une forte croissance du chiffre d'affaires, qui aujourd'hui atteint quelques dizaines de milliers d'euros grâce à la vente de tests. La startup ambitionne de passer de trois à cinq personnes d'ici 2025. D'autant que des perspectives de diversification sont déjà imaginées
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Des chaussures au pales d'éoliennes
« Utiliser la machine pour plusieurs applications est totalement envisageable ! », confirme Thomas Voisin, le chef de projet. En effet, s'il est pour l'instant le plus avancé, le projet Rechauss n'est pas l'unique projet d'Idelam. Un autre pourrait voir le jour très prochainement : « On va monter une usine de recyclage de pales d'éoliennes en Nouvelle-Aquitaine [...] en consortium avec Soderec (spécialiste lot-et-garonnais du recyclage de métaux, NDLR) pour le démantèlement éolien », annonce ainsi Éric Durivault. Les pales seront donc réduites afin d'en extraire les résines selon le procédé d'Idelam. Les perspectives de marchés sont immenses.
La startup pourrait aussi à l'avenir tendre vers le plastique agro-alimentaire et la réutilisation des plastiques à usage unique dans la santé. Secteurs qui pour le moment en France, sont bloqués par des normes restrictives. Ces dernières pourraient cependant bouger dans un avenir proche notamment dans le médical à l'image de l'Allemagne qui l'autorise depuis plus de vingt ans.
Idelam vient confirmer que le marché de l'économie circulaire s'étend. Dans le même secteur à Hendaye au Pays basque, le Cetia décompose les textiles, linges et chaussures en plusieurs étapes et s'associe avec plusieurs marques françaises pour leur trouver des solutions de recyclage. À Calais, dans les Hauts-de-France, Takapas collecte et recycle à 98 % les chaussures de sécurité. Encore en phase de recherche, la startup ambitionne de renter dans un processus d'économie circulaire en se servant des matériaux recyclés pour faire de nouvelles chaussures de sécurité. Et pourquoi pas à l'ensemble des équipements de protection individuelle.
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Sapar : le petit nouveau de la mode durable à Bordeaux
« On a créé une solution de revalorisation textile qui redéfinit tous les vêtements finis ! » Voilà comment Marc Minart et Ariane Renaud-Brûle résument leur concept basé dans le centre de Bordeaux. Le couple franco-canadien collecte des textiles à domicile avec un vélo cargo, qui sont retravaillés dans leur atelier puis revendus sur le net. Un concept 100 % économie circulaire. Un an après sa commercialisation, Sapar a récolté trois tonnes de textiles et affiche un chiffre d'affaires d'un peu moins de 50.000 euros, que la startup espère tripler cette année. Le tout en auto-financement. L'équipe de sept personnes souhaite encore s'agrandir pour gérer le flux mais fait face à des défis de notoriété et de financement.
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