Bordeaux pourrait expérimenter un boulevard solaire dans sa quête d'autonomie énergétique

Trop grand ? Trop cher ? Trop utopique ? Le projet de couvrir les 45 km de la rocade bordelaise de 630 ombrières photovoltaïques ne verra pas le jour tout de suite. Fortement soutenu par le maire écologiste de Bordeaux depuis 2021, ce vaste projet chiffré à plus de trois milliards d'euros (lire l'encadré) supposait d'abord de convaincre l'Etat qui est propriétaire de la rocade. Interrogé sur le sujet ce 23 janvier, Etienne Guyot, le préfet de Nouvelle-Aquitaine, a assuré qu'il n'y a « pas d'opposition de principe » à ce projet mais que « ce n'est peut-être pas par la rocade qu'il faut commencer parce que la couvrir avec des panneaux photovoltaïques tout en en maintenant l'ouverture et l'entretien ce n'est pas simple ! Il vaut mieux débuter par un secteur plus limité, par un boulevard urbain, on propose le boulevard Aliénor d'Aquitaine. »

Une infrastructure de 17 mètres de haut

De quoi réjouir Pierre Hurmic qui n'a pas tardé à saluer ces propos venant conforter sa quête d'autonomie énergétique : « Le maire de Bordeaux se félicite de l'annonce du préfet. Ces déclarations ouvrent la voie à une expérimentation d'ombrières solaires photovoltaïques au-dessus d'une portion d'accès à la rocade bordelaise [...] Il entend suivre de près cette expérimentation si prometteuse pour notre territoire. »

Mais si elle avait tapé dans l'œil du maire du Bordeaux, qui était allé la défendre à Matignon en septembre 2023, la première mouture du projet de rocade solaire n'a pas convaincu les services de l'Etat, loin s'en faut. Le dossier a été décortiqué et analysé ces derniers mois et le verdict est assez tranché : « À ce stade, le projet est plus philosophique que réaliste... L'infrastructure proposée n'est pas assez sécurisée, trop opaque et bien trop coûteuse. Elle pose aussi des questions de visibilité pour les automobilistes et d'évacuation des eaux pluviales », explique-t-on à La Tribune. Avec une infrastructure de 17 mètres de haut, soit la hauteur d'un immeuble de six étages, l'infrastructure est également jugée peu réaliste et rentable par des professionnels du solaire, y compris en milieu agricole. La Métropole, de son côté, ne s'est pas saisie du sujet. « C'est normal et logique qu'un tel projet suscite des questionnements et des réserves car il mobilise des méthodes et des technologies nouvelles. Mais c'est un projet très sérieux et nous le démontrerons », réagit l'architecte francilien Jean-Claude Laisné, porte-parole du collectif.

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630 ombrières photovoltaïques

Conçu par un groupement d'ingénieurs, d'architectes et de chercheurs qui souhaitent, pour l'instant, rester dans l'ombre, ce projet ambitionne de déployer 630 ombrières photovoltaïques à 17 mètres au-dessus des voies de circulation de la rocade bordelaise. Ces modules de près de 5.000 m2 chacun accueilleraient 2,5 millions de m2 de panneaux solaires « permettant d'assurer l'alimentation des 420.000 foyers de la métropole bordelaise », promet le porte-parole du collectif. Un chiffre faramineux puisqu'à titre de comparaison, 400.000 foyers c'est que permet d'alimenter une centrale nucléaire tandis que les 140.000 panneaux solaires sur 60 hectares, de la centrale solaire de Labarde, au nord de Bordeaux, ont produit en 2023 de quoi alimenter 15.500 foyers. Les promoteurs de la rocade solaire chiffrent le projet total à 3,2 milliards d'euros. Ils espèrent attirer de gros investisseurs en assurant un retour sur investissement en moins de dix ans grâce à la revente de l'électricité et sans mobiliser de fonds publics. L'objectif étant également de travailler sur la récupération des eaux pluviales, la captation des particules fines et gaz polluants et la limitation des nuisances sonores.

Un démonstrateur en conditions réelles

D'où la nécessité d'opter d'abord par une expérimentation in situ pour convaincre les sceptiques. Et le boulevard Aliénor d'Aquitaine, à l'entrée nord de Bordeaux, ressemble au terrain de jeu idéal : long d'environ 1,5 km, cet axe de 2x3 voies voit défiler 65.000 véhicules par jour, contre 105.000 sur le périphérique. Et point important, la ville et Bordeaux Métropole en ont la maîtrise en direct, ce qui arrange l'Etat. L'objet est d'y installer un démonstrateur en conditions réelles : « Cet axe est plus approprié pour mener une expérimentation pas trop coûteuse, mieux sécurisée et, surtout, mesurer concrètement les effets d'une telle installation », précise-t-on du côté de la préfecture. « L'idée serait de proposer à plusieurs énergéticiens et entreprises du BTP d'y installer à leurs frais leur propres installations pour que l'on puisse les comparer et sélectionner la ou les solutions les plus pertinentes pour les déployer à plus grande échelle le cas échéant », ajoute le porte-parole du collectif.

Au total, six ombrières solaires à deux millions d'euros pièce pourraient y être installées. Mais tout reste encore à écrire. Sous réserve de la validation de la démarche par la préfecture d'ici le printemps, un cahier des charges bien plus étayé et bien plus précis devra être élaboré cette année en vue, ensuite, de lancer un appel d'offres. La préfecture ne croit donc pas à une expérimentation dès 2024. Y arriver en 2025 serait déjà un tour de force compte tenu des délais d'instruction et d'installation. De leurs côté, les porteurs de projet assurent recueillir d'importantes marques d'intérêts de la part des gros énergéticiens et promettent qu'ils sortiront du bois le moment venu pour présenter en détails leur projet et leur soumettre à une large concertation publique. Un projet similaire est également à l'étude par Vinci Autoroutes à Marseille.

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